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đŸŸ Histoire(s) de chat(s) : L'Horloge đŸŸ

Les Chinois voient l’heure dans l’Ɠil des chats.


C’est une citation bien connue de Charles Baudelaire (mon poĂšte prĂ©fĂ©rĂ©). Celle-ci est tirĂ©e du recueil des Petits PoĂšmes en prose, composĂ© en 1864, et le titre de la prose en question n’est autre que l’Horloge.


Quelle heure est-il ?

L'Horloge



Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oubliĂ© sa montre, et demanda Ă  un petit garçon quelle heure il Ă©tait.

Le gamin du cĂ©leste Empire hĂ©sita d’abord ; puis, se ravisant, il rĂ©pondit : « Je vais vous le dire. » Peu d’instants aprĂšs, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hĂ©siter : « Il n’est pas encore tout Ă  fait midi. » Ce qui Ă©tait vrai.

Pour moi, si je me penche vers la belle FĂ©line, la si bien nommĂ©e, qui est Ă  la fois l’honneur de son sexe, l’orgueil de mon cƓur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumiĂšre ou dans l’ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l’heure distinctement, toujours la mĂȘme, une heure vaste, solennelle, grande comme l’espace, sans divisions de minutes ni de secondes, — une heure immobile qui n’est pas marquĂ©e sur les horloges, et cependant lĂ©gĂšre comme un soupir, rapide comme un coup d’Ɠil.

Et si quelque importun venait me dĂ©ranger pendant que mon regard repose sur ce dĂ©licieux cadran, si quelque GĂ©nie malhonnĂȘte et intolĂ©rant, quelque DĂ©mon du contretemps venait me dire : « Que regardes-tu lĂ  avec tant de soin ? Que cherches-tu dans les yeux de cet ĂȘtre ? Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainĂ©ant ? » je rĂ©pondrais sans hĂ©siter : « Oui, je vois l’heure ; il est l’ÉternitĂ© ! »

N’est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment mĂ©ritoire, et aussi emphatique que vous-mĂȘme ? En vĂ©ritĂ©, j’ai eu tant de plaisir Ă  broder cette prĂ©tentieuse galanterie, que je ne vous demanderai rien en Ă©change.

âžĄïž Le missionnaire dont parle Baudelaire dans sa prose est un certain Evariste Huc (religieux français de l'ordre des lazaristes, missionnaire en Chine au XIXᔉ siĂšcle) qui raconte ce « prodige » dans son livre L’Empire Chinois (1854). PĂšre Huc explique dans son ouvrage qu’il a, grĂące Ă  3 ou 4 chats du voisinage qui lui ont Ă©tĂ© amenĂ©s par ses hĂŽtes, pu faire sa propre expĂ©rience et constater que « la prunelle de (l’) Ɠil (du chat) allait se rĂ©trĂ©cissant Ă  mesure qu’on avançait vers midi ; qu’à midi juste elle Ă©tait comme un cheveu, comme une ligue d’une finesse extrĂȘme, tracĂ©e perpendiculairement sur l’Ɠil ; aprĂšs midi, la dilatation recommençait. Quand nous eĂ»mes examinĂ© bien attentivement tous les chats qui Ă©taient Ă  notre disposition, nous conclĂ»mes qu’il Ă©tait midi passĂ© ; tous les yeux Ă©taient parfaitement d’accord. »

Bien entendu, nous savons parfaitement aujourd’hui que la pupille du chat rĂ©trĂ©cit ou se dilate en fonction de la lumiĂšre qui y pĂ©nĂštre
 Du coup, pour lire l’heure Ă  notre Ă©poque, rien de tel qu’une montre, un tĂ©lĂ©phone, un micro-ondes ou un appel Ă  l’horloge parlante pour Ă©viter toute erreur sur le temps 😉


âžĄïž Pour ma part, j’aime Ă©normĂ©ment la vision de Baudelaire dans sa prose...

Rappelons qu'il a toujours Ă©tĂ© fascinĂ© par les chats puisqu’il leur a consacrĂ© plusieurs poĂšmes (dans les Fleurs du Mal - 1855) et a Ă©tĂ© le traducteur officiel d’Edgar Allan Poe pour son Chat Noir.


Et vous, que voyez-vous dans les yeux de vos chats ?

Je serai curieuse de le savoir
 😊


Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir une nouvelle Histoire(s) de chat(s) !


Je vous souhaite une belle et bonne journĂ©e, Ă  vous et vos petits fĂ©lins đŸ˜œ

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